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Prédication de dimanche 10 novembre 2024
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Chers frères et sœurs,
Dans les chapitres qui précèdent ce passage, Jésus annonce, par trois fois, à ses disciples, qu’il va être arrêté, condamné et crucifié, puis qu’il se relèvera de la mort. Mais il se heurte à l’incompréhension de ses disciples : impossible pour eux d’imaginer un seul instant que celui en qui ils ont placé toute leur espérance, que le Messie puisse échouer si lamentablement, qu’il puisse souffrir, être condamné à mourir sur une croix, le châtiment réservé, sous l’occupant romain, aux esclaves et aux criminels.
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Pourtant Jésus, avec une rude franchise parfois, les a déjà mis en garde : « Mes enfants, qu’il est difficile d’entrer dans le Royaume de Dieu ! » (10/25) : lors de sa rencontre avec un homme riche, il leur a dit que l’argent, les richesses sont un écueil ; on a vu aussi les disciples se disputer pour savoir qui, parmi eux, était le plus grand (9/34) et Jésus leur dit : « si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. « (9/35), soyez aussi « petits » qu’un petit enfant : « quiconque n’accueillera pas le Royaume de Dieu comme un enfant, n’y entrera jamais « (10/16) et, enfin, «
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Eh bien, non ! Rien n’y fait, puisque deux d’entre eux, Jacques et Jean, demandent à Jésus : accorde-nous de siéger dans ta gloire, l’un à ta droite, l’autre à ta gauche ! (dans l’évangile de Matthieu, c’est leur mère qui réclame à Jésus de bonnes places pour ses fils dans son Royaume (Matthieu 20/20).
Jacques et Jean, les deux fils du patron de pêche Zébédée, que Jésus a rencontrés pour la première fois au bord du lac de Tibériade, dans la barque de leur père : c’était tout au début du ministère de Jésus ! Avec Pierre et André, deux autres pêcheurs, deux frères aussi, Jésus les avait appelé à le suivre : des disciples de la première heure, pourrait-on dire ! Comment en sont-ils arrivés là !!!
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À vrai dire, ne leur jetons pas tout de suite la pierre ! Car leur attitude est profondément humaine ; en effet, eux, les proches d’entre les proches parmi les douze disciples choisis par Jésus, peut-être a-t-il germé dans leur tête l’idée qu’il serait normal que Jésus leur accorde un privilège « à l’ancienneté », en quelque sorte, une compensation, une récompense ? Pierre ne vient-il pas de dire à Jésus : nous avons tout laissé pour te suivre (10/28) ?
Et les autres disciples de laisser éclater leur indignation devant une telle demande ! Bien hypocrites, semble-t-il ! Car il doit leur paraître logique, à eux aussi, qui ont laissé derrière eux famille, sécurité, travail pour suivre Jésus sur les chemins, il doit leur paraître logique d’obtenir une récompense bien méritée dans le Royaume de Dieu, au regard de leurs « sacrifices » !! Quant à nous, nous pouvons nous sentir parfois bien proches d’eux tous, quand, dans notre vie familiale, ou professionnelle, ou encore dans l’Eglise, nous sommes envahis par le sentiment qu’un(e) autre est préféré(e), quand un autre obtient ce que j’estime m’être dû, quand j’ai servi de mon mieux, sans compter ma peine, et que je ne suis pas reconnu ?
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Non, ne les condamnons pas trop vite, Jacques et Jean, et leurs dix autres compagnons !
En effet Marc, dans des versets qui précèdent le passage, précise : « ils étaient en chemin, Jésus marchait devant eux, ils étaient effrayés, en fait, par ce que venait de leur annoncer Jésus ; lui qui essayait, non pas de les terrifier, mais de les préparer à ce qu’il allait subir lors de sa Passion…Alors, en proie à l’angoisse, on imagine bien Jacques et Jean s’approcher de Jésus et lui faire cette demande, pour se rassurer ?
Enfin, ils se souvenaient bien de ce que Jésus avait dit (Matthieu 19/27) : « En vérité, quand le Fils de l’homme siégera sur son trône de gloire, vous qui m’avez suivi, vous siégerez vous aussi sur douze trônes, pour juger les douze tribus d’Israël, et quiconque aura laissé maison, frère, sœur, père, mère,
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Oui, ils étaient prêts à partager la gloire de ce Messie qui distribuerait les places d’honneur, qui rétablirait le pouvoir usurpé par les Romains, le roi de gloire que les gens allaient bientôt acclamer lors de son entrée triomphale à Jérusalem. Oui, ils sont prêts, Jacques et Jean, à recevoir ces places privilégiées que le roi accorde à sa gauche et à sa droite dans les banquets. En même temps, leur désir le plus cher et d’être avec Jésus partout où il sera ; ils sont prêts à tout…
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À tout, vraiment ? ?
« Vous ne savez pas ce que vous demandez, leur répond Jésus : ils sont prêts à « boire la coupe » avec Jésus !
Mais les mots sont piégés : oui, « la coupe de l’abondance », celle que l’on partage avec le roi dans l’Ancien Testament (Psaume 23 : »ma coupe déborde à la table du Seigneur ») mais il existe aussi « la coupe de souffrance », coupe amère que l’on vide jusqu’au fond, dans les Psaumes (75/9) et les Prophètes Esaïe ou Jérémie (51/22). Oui, ils la boiront aussi, la coupe -amère- de Jésus, du moins Jacques, dont on sait qu’il subira le martyre à Jérusalem, décapité sur ordre du roi Hérode Agrippa ; d’autres aussi seront persécutés, ou tués.
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Non, ils ne savent pas ce qu’ils demandent, Jacques et Jean, mais leur inconscience nous les rend proches, humains ; leur faiblesse se fait l’écho des préoccupations, des querelles, non seulement parmi les disciples, mais aussi dans les premières communautés chrétiennes : places d’honneur revendiquées, luttes d’influence éclatent au grand jour et nous révèlent, au livre des Actes, par exemple, une communauté chrétienne pas si idéale, traversée de préoccupations terriblement humaines (ex. L’histoire tragique du couple Ananias-Saphira, qui ont détourné en cachette une partie de leur offrande, Actes 5)
Des préoccupations qui ont pesé lourd dans l’histoire des Eglises, pendant des siècles, et encore aujourd’hui : premières places, dignités, hiérarchie,
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Face à ces abus, dès le 16ème siècle, la Réforme affirme le salut par la seule grâce de Dieu, gratuitement offerte aux humains par Dieu seul (bien que Calvin ait eu quelques difficultés à se séparer de l’idée de « places réservées » !)
Ces places que réclament Jacques et Jean, Jésus leur dit, à la fois de façon claire et mystérieuse : « cela ne m’appartient pas de les accorder ; ce sera donné à ceux pour qui cela a été préparé ». Verbe au passif, en hébreu comme en grec, qui signifie que seul Dieu est acteur, c’est son pouvoir, sa responsabilité, ce Dieu dont nous avons entendu au début du culte, qu’il donne gratuitement aux humains, que ni les rois ni les guerriers ne tiennent leur force d’eux-seuls (Psaume 33)
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Fortes paroles que celles de Jésus-voire révolutionnaires ! Quand il parle des pouvoirs humains qui asservissent d’autres Hommes (10/42) »il n’en est pas ainsi parmi vous, au contraire : si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur. Et si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave de tous ! »
Jésus nous invite donc à choisir notre vraie-et meilleure- place : celle du service : vous êtes appelés à être SIGNES de l’autorité que vous exercerez en mon nom.
Autorité qui peut sembler paradoxale : vous l’exercerez en tant que « serviteurs »(en grec, diakonos =diacre),occupant une fonction de service, mais bien plus encore en étant « esclaves »(en grec, doulos)les uns des autres, dépossédés de toutes vos prétentions, ambitions ; vous serez à l’image du Christ, « car le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir ».
Alors, comment SERVIR ?
En étant attentifs à tous ceux qui ont besoin d’être entendus, secourus ,remis debout. A nous de renverser les valeurs que nous connaissons trop bien: que le « grand», le « puissant » se fasse serviteur, laissant la place au plus « petit»; c’est l’occasion de nous demander quelle place nous accordons, dans notre vie de tous les jours, à nos proches: les aimons-nous pour eux, ou pour nous? Leur laissons-nous une place pour exister vraiment, au lieu de les étouffer, ou de leur imposer nos façons de voir, de croire ? À ceux qui ne pensent pas comme nous, sont différents de nous, sommes-nous capables de leur donner un espace de liberté ?
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En tant qu’Eglise, ou communauté, sommes-nous disposés à nous ouvrir à la société contemporaine, à offrir des lieux d’écoute, de partage, de spiritualité ?
Certes, nos Eglises-réformées comme catholiques-ont été invitées (ou obligées?) d’être solidaires, du moins celles qui ne disposaient plus de prêtres ou de pasteurs(ce qui est vécu en Marne-Ardennes ,et ailleurs, dans les « déserts ecclésiastiques »!!)
Certes, les conditions de « manque » qui viennent d’être évoquées font que, de plus en plus, des chrétiens se mettent au service -mais certains l’ont toujours fait!-: Prédicateurs,
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Voilà, nous dit Jésus, « les places qui nous sont préparées » pour entrer dans le Royaume : celles mises au service des autres.
Mais, rassurons-nous : nous ne sommes pas seuls dans cette responsabilité ! Jésus nous montre le chemin, il nous engage à sa suite !
Que voulez-vous que je fasse pour vous ? Nous demande-t-il
_Accorde-nous, Seigneur, assez d’humilité, assez d’amour, pour nous rendre disponibles, attentifs aux autres, sans attendre d’autre récompense que celle de partager la joie d’être avec toi dans ton Royaume.
Amen !